Le nom de Yetna Leba a traversé les frontières de la Sanaga-Maritime pour se répandre dans tout le territoire national. Sa filiation demeure mal connue. Mais sa puissance combattante lui a ouvert les portes de la légende.
De l’avis de nos conteurs, il était natif de Babimbi 1, et plus précisément à Ndôg-Ńém qui est voisin de Lôg-Nkol. De ce que nous savons pour l’heure, Yetna Leba était avant tout un indépendantiste, un revendicateur. Certes, il s’illustra par une violence inouïe, mais toujours est-il que sa violence ne fut point aveugle. Il éliminait systématiquement ceux qui s’élevaient contre lui, ou encore ceux qui pouvaient incarner une menace pour lui ou les libertés qu’il défendait. Un jour il demanda à boire à une femme qui, ignorant qu’elle avait affaire à lui en personne, se mit à déblatérer sur son compte avant de se voir trancher la tête en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Yetna Leba s’en retourna ensuite dans la forêt qui lui tenait lieu de résidence.
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Yetna avait essentiellement pour cibles principales les autorités administratives coloniales et locales. Quelle était la nature de sa force ? Sans doute comme dans la plupart des cas pour les anciens nationalistes et les anciens guerriers africains, le pouvoir ésotérique. Vraisemblablement, il était un initié des loges secrètes anciennes. Selon nos conteurs, il possédait trois récipients installés à trois endroits distincts. Qui lui conféraient l’invisibilité, la capacité de détecter le danger en approche ou encore l’aptitude à vaincre l’adversité. Les autorités durent se résoudre à consulter les marabouts, qui eux-mêmes s’en remirent à son oncle l’Abbé MBOGLE pour résoudre l’équation de sa neutralisation.
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Ce dernier consulta à son tour une vieille sorcière qui livra le secret des trois marmites. Monsieur l’Abbé convoqua le conseil familial auquel il exposa la menace proférée par le gouverneur de ratisser le territoire BABIMBI avant le 16 mars 1973 si Yetna n’était pas livré. Sur ces entrefaites une patrouille armée débarqua à Ndôg Ńém. Elle comptait dans ses effectifs le soldat Antoine Billong préparé auparavant par l’Abbé. La patrouille repéra les trois marmites en question. Antoine Billong se chargea de les ouvrir une à une en commençant par celle de gauche, et de verser les contenus suivant les conseils de son initiateur. Après, il fouilla devant lui et repéra une cruche fermée. Il l’ouvrit pour également en verser le contenu mais ne parvint pas à la refermer. C’était fâcheux, et l’opération pouvait être compromise. Fort heureusement, Yetna fut aperçu prenant son repas, quelque peu distrait.
La patrouille forma trois colonnes dirigées vers la hutte de la cible pour le capturer vivant. Mais découvrant le gabarit impressionnant de Yetna, les hommes en uniforme décidèrent de ne prendre aucun risque. D’autant plus qu’un fusil de chasse à cinq coups était posé près de son bras droit. Les hommes ouvrirent le feu, sans empêcher le redoutable combattant d’effectuer un vol plané hors de la hutte. La messe était dite. L’homme gisait dans une marre de sans lorsque Antoine Billong lui trancha la tête à l’aide de sa dague. Ces événements eurent lieu le 13 mars 1973 dans le domaine forestier des Ndôg Ńém.
Par Mbombog KEND DJON
