La tenue du Mbog Liaa de cette année 2024 fait couler beaucoup d’encre et de salive. L’association Mbog Basa’a a carrément interdit aux Ba Bombok d’y prendre part. Dans cette tribune exclusive accordée à Le Grand Bassa News, Bombok Yebga Yebga Ntep Libii, Coordonnateur nationale du Mbog Basa’a explique les raisons de la décision de l’association.
La désolidarisation du Mbog Liaa
Je vous remercie pour votre interview concernant le communiqué qui circule dans les réseaux sociaux, amenant les Ba Bombok à se désolidariser du festival Mbog Liaa. Je tiens à vous dire que ce communiqué est authentique, ce n’est pas un fake, c’est bien un communiqué authentique. Avant de continuer, je voudrais vous faire l’historique du Mbog Liaa et du Mbog en général, concernant cette collaboration. Le Mbog Liaa c’est une association culturelle qui a été créée il y a des décennies par nos vaillants fils voulant créer une dynamique au sein de la communauté basa’a. Et par rapport à cette idée, ils ont créé cette association et ont en même temps ajouté le regroupement bassa’a Mbog Liaa, parce qu’avant la création du Mbog Liaa l’appellation bassa, Mbog Liaa n’existait pas.
Et ce groupe de pression que nos vaillants fils ont créé à l’époque, l’avait fait sans consulter les Ba Bombok. C’est après la légalisation de cette association culturelle qu’ils se sont rapprochés des Ba Bombok pour leur parler de ce projet. Les Ba Bombok ont rejeté le nom Mbog Liaa tout en justifiant leur refus par la confusion de cette association à une confrérie du Mbog Basa’a. Et en ce moment-là, il avait été interdit à tous les Ba Bombok de s’associer, ni de près ni de loin, à toute organisation initiée par cette association culturelle. Et ayant vu que leur association ne prospérait pas, ils sont revenus vers les Ba Bombok pour demander des excuses, et la hache de guerre a été enterrée. On a fait un rituel de réconciliation qu’on appelle « Ntouk Gweth » et cela a été fait au village Ngongtem, chez Bombok Yebga Bingan.
Ce rituel met fin à tout conflit entre les deux entités. Cela a évolué et sans heurt. Jusqu’en 2015 au festival de Ngan Mbog, pour le signaler, est une fête organisée par les Ba Bombok pour analyser l’existence, la spiritualité du peuple Bassa, comment est-ce que la spiritualité du peuple Bassa est exécutée par la communauté. Comment le peuple Bassa est-il entendu, comment il est organisé. C’est cette organisation anthropologique que les Ba Bombok essaient de vérifier à travers le festival Ngan Mbog. A Boumnyébél il y a eu une entente entre le Ngan Mbog et le festival Mbog Liaa pour l’organisation du festival. Il était donc question de ne plus séparer les deux festivals. Fallait donc en faire un seul. Et depuis 2015 le Ngan Mbog n’a plus tenu ses assises, son organisation, son festival.
Promesse non tenue
En 2016, donc, il y a un festival qui est organisé à Douala où les Ba Bombok ont été invités et « méprisés ». Donc, il y a eu des problèmes pour être plus clair. Il y a eu des problèmes entre les organisateurs du Mbog Liaa et les Ba Bombok qui étaient là en ce moment. Alors, partir donc de Douala au festival de 2016 les Ba Bombok ont attendu l’organisation du prochain festival pour qu’ensemble les Ba Bombok et le festival Mbog Liaa s’associent pour la prochaine organisation d’un festival. Malheureusement, le président de Mbog Liaa Jérome Minlend décède entre-temps. Rien n’est donc fait. Les Ba Bombok restent en attente. Quelques années après le décès de Jérôme Minlend de regretté mémoire, un groupe de dirigeants de l’association Mbog Liaa initie une assemblée générale de relance. Cette assemblée générale est organisée. Les Ba Bombok ne sont pas informés. En ma qualité de coordinateur national de Mbog Basa’a, sachant qu’il y a des conventions entre le Mbog Liaa et le Mbog Basa’a, je me rapproche donc du président du comité d’organisation qui est Bombok Malet, et je lui demande d’informer officiellement les Ba Bombok de la tenue d’une assemblée générale de relance, parce que nous avons des engagements par rapport au peuple Bassa. Il réplique en disant qu’il a fait un communiqué et que tout Bombok qui a suivi le communiqué a le choix de venir ou de ne pas venir. Cela m’a frustré. J’ai compris que c’était un mépris. Mais comme le Bombok est souple, il est accueillant, il est tolérant, moi, en tant que coordinateur national de Mbog Basa’a, j’ai organisé une équipe de Mbog Basa’a pour assister à l’assemblée générale de relance à Pouma. En prélude donc à ces assises, quelques heures avant les assises, nous nous sommes concertés en demandant que le bureau qui sera mis en place soit un bureau transitoire avec pour seul objet de remobiliser tous les clans, toute la communauté pour cette relance. C’est après cette mobilisation qu’on mettra donc un bureau avec un mandat statutaire qui est de quatre ans. Mais cette idée n’a pas été acceptée par celui qui était le président du comité d’organisation. N’ayant donc pas validé ça, il a humilié les Ba Bombok en pleine assemblée générale en disant que nous n’avons pas contribué financièrement, mais ne et sommes même pas membres de l’association. Tout cela en oubliant des engagements pris en 2015 que les Ba Bombok ne vont plus organiser le Ngan Mbog seuls, mais nous ferons d’une pierre deux coups. C’est-à-dire, quand le Mbog Liaa organise un festival Les Ba Bombok s’associent à ce festival pour faire le côté traditionnel, mystique d’un côté et le côté artistique de l’autre par le Mbog Liaa. Quand il prend cette décision en humiliant les Ba Bombok, il oublie cet engagement. À ce niveau, les Ba Bombok sont donc obligés de libérer la salle. Les Ba Bombog sortent donc de la salle de cette assemblée générale de relance à Pouma et rentrent chez eux.
Deux-trois mois après, l’association ou plus particulièrement le président de Mbog Liaa et son équipe vont saisir le plus vieux Bombok qui est Bombok Yebga Bingan. Il le saisit pour qu’on apporte le calme pour qu’on donne l’onction au nouveau bureau de Mbog Liaa. Mbombog Yebga Bingan nous convoque à cette réunion, il pose le problème de réconciliation, de soutien au nouveau bureau de Mbog Liaa, mais nous avons tout de suite répliqué en disant ceci : Mbombog Malet Maldjam ne peut pas insulter les Ba Bombok en public, les humiliant et aujourd’hui venir dire qu’il faut qu’on l’accepte et qu’on l’accompagne dans son travail. Il a renié ses propres paroles. Malheureusement pour lui, nous avions une vidéo qu’on lui a donnée et qu’on lui a fait regarder. Après avoir visionné cette vidéo où il a insulté copieusement les Bombok, il a demandé des excuses. Comme le Bombok est tolérant, les Bombok ont accepté ses excuses mais à une condition, celle que son bureau du Mbog Liaa et les Ba Bombok se retrouvent une fois de plus pour la nouvelle orientation de Mbog Liaa en tenant compte de nos engagements de 2015. C’est-à-dire pour la prochaine organisation d’un festival, il faudrait qu’il y ait ces deux volets, côté mystique mythique et côté culturel. Et on lui donne donc cette condition qu’on ne peut pas évoluer si on n’a pas pris en compte nos engagements de 2015. Il est parti en disant qu’il a compris. Voilà donc maintenant, on annonce un festival à Pouma en novembre 2024. Logiquement, est-ce que les Ba Bombok sont concernés ? Nous disons non. Les Ba Bombok ne veulent pas s’associer au festival qui aura lieu à Pouma en novembre 2024. La raison est qu’ils ont boycotté les engagements pris en 2015, qui prévoyaient une association entre le festival culturel du peuple Bassa et les pratiques mystiques et mythiques des Ba Bombok.
Changement du tissu
Les Ba Bombok sont également inquiets du changement de tissu qui sera utilisé lors du festival, avec des couleurs de l’arc-en-ciel qui ont une signification particulière pour eux. Ils ont demandé que les Ba Bombok ne cautionnent pas ces pratiques qui sont interdites dans leur pays. Il est important de noter que les Ba Bombok ne s’opposent pas à la tenue du festival en lui-même, mais plutôt à la manière dont il est organisé et aux pratiques qui y sont associées. Ils ont déjà pris des décisions similaires par le passé, comme en novembre 2024, lorsque les coordonnateurs des clans ont décidé de ne pas s’associer au festival concerné en réalité. C’est pour cette raison que les Ba Bombok disent que le festival qui se tiendra à Pouma ne nous concerne pas. Comme nous connaissons que ces couleurs de l’arc-en-ciel veulent dire beaucoup de choses par rapport à ce que nous nous connaissons, nous avons donc demandé que les Ba Bombok n’aillent pas cautionner ces pratiques qui sont interdites dans notre pays. Voilà donc la raison pour laquelle nous avons sorti ce communiqué et cette décision n’est pas la première. Le 12 novembre, un comité d’urgence du Mbog Basa’a s’est réuni avec les responsables des anciens, les responsables des métaux, les responsables des clans et moi-même, le coordinateur national. On s’est donc réuni pour faire cette analyse. Donc il y a une autre décision qui est sortie le 12 novembre, interdisant la tenue de l’évènement.
Il est demandé à tous les Ba Bombok de ne pas s’associer à ce festival Mbog Liaa, mais nous n’interdisons pas la population à y aller, parce que nous avons considéré que Mbog Liaa c’est une association culturelle déjà qui a changé des objectifs. C’était avant Adna Maten, c’est-à-dir le rassemblement de tous les clans. Mais aujourd’hui, on a plus cet objectif. L’objectif actuel est Adna Milon Ni Mawanda c’est-à-dire le rassemblement des associations et des amis. Voyez donc qu’il y a une grande différence entre le rassemblement des clans de la communauté Bassa’a et le rassemblement des associations et des amis c’est vraiment deux choses différentes.
Donc nous disons que en tant qu’association culturelle de tenir son festival culturel du peuple Bassa, mais n’a pas le droit de parler de ce qui est de la spiritualité de l’homme Bassa’a, parce que c’est de son ressort. C’est du ressort des Ba Bombok. Si on avait fusionné le Ngan Mbog et le Mbog Liaa, on parlerait de ça, mais ils ont dissocié les deux et le Mbog Liaa n’a pas qualité à parler de cette autre partie mystique mythique. Voilà donc pour l’historique de cet événement et je pense que j’ai été un peu plus clair.
Faut-il annuler le Mbog Liaa ?
Alors, à cette interrogation, nous disons que l’association Mbog Liaa est une association culturelle qui doit tenir ses engagements vis-à-vis de ses membres. Ils ont pris l’engagement de faire le festival, ils doivent le faire. Maintenant, s’ils veulent une cohésion entre le mystique mythique et le culturel, ils doivent organiser juste après leur festival un, deux ou trois mois plus tard, une rencontre qui va rassembler les Ba Bombok, les dirigeants de Mbog Liaa et des élites. Et à cette réunion on fera le bilan. Pourquoi ils veulent boycotter cette décision de 2015 qui voudrait que le Mbog et le Mbog Liaa cheminent ensemble pendant des festivals ? Pourquoi veulent-ils boycotter cela ? Pourquoi ont-ils changé ? quel est leur bilan aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’ils ont fait pour le peuple Bassa’a qu’on peut montrer du doigt ? Voilà un peu les trois choses que nous voulons voir, parce que si on dit que le Mbog Liaa c’est pour relever le peuple Bassa, il faudrait donc qu’on essaye de voir le bilan. Si on ne voit pas un bilan on va s’interroger, parce que des décennies plus tard, on tourne autour de peau. Il faudrait donc que la récréation s’arrête. Il faut qu’on avance. C’est ça notre préoccupation. Voilà, je vous remercie.