Né le 31 mars 1928 à Edea au Cameroun, le père Meinrad Pierre Hebga est décédé le 3 mars 2008 à Château-Thierry (France). De parents catéchistes, son père Hebga et sa mère Ngo Nka à qui même ce jésuite dédicace une des œuvres en ses termes : « Missionnaires autochtones auxquels je dois ma première vocation missionnaire ». Hebga fut initié très tôt à la vie chrétienne.
Après ses études secondaires aux petits séminaires d’Edéa et d’Akono, le père Hebga poursuit ses études de théologie à l’Université pontificale grégorienne de Rome. À Paris, il a suivi les cours du Pr. Lagache en psychopathologie (Sorbonne), en même temps, des travaux pratiques à la Salpetrière dans le service du Pr. Michaux et à Sainte Anne, sous la direction du Dr Lamperière. Il s’est initié aux sciences sociales à l’Institut catholique de Paris.
Le père Hebga est ordonné prêtre le 22 décembre 1951 à Rome. Le lendemain, dimanche 23 décembre 1951, il célébra ses prémices sacerdotales dans la chapelle de la crèche (Cappella del Presepio), dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, une des sept églises majeures de Rome. Rentré au pays, il est affecté à la Paroisse de Bot-Makak, dans le Nyong et Kellé, comme premier poste de travail, dans l’Archidiocèse de Douala, au Cameroun. Mais, sa présence au milieu du peuple de Dieu de cette contrée sera de courte durée. Le 1er octobre 1957, il est admis au noviciat de la Compagnie de Jésus à La Baume Sainte-Marie (France). En 1967, après son Troisième An à Cleveland, dans l’Ohio, il prononce ces derniers vœux le 9 septembre 1968. La même année, 1968, il soutient à l’Université de Rennes une thèse de 3e Cycle en Philosophie intitulée : » Le Concept de métamorphose d’hommes en animaux chez les Basaa, Duala, Ewondo, Bantu du Sud Cameroun ».
En 1986, Hebga soutiendra sa thèse d’État en philosophie à la Sorbonne intitulée: » Rationalité d’un discours africain sur les phénomènes paranormaux » , publiée chez L’Harmattan en 1998, aborde des phénomènes, apparemment irrationnels, tels que la lévitation ou la connaissance paranormale, par une approche pluridisciplinaire. « Car il faut tenter de répondre rationnellement à la question que posent dans la vie quotidienne en Afrique ces phénomènes paranormaux que sont les lévitations, bilocations, apparitions et visions, envoûtements et sorcelleries etc., que chacun n’est pas loin de tenir pour faits d’expérience courante tant sont nombreux les témoignages rapportés par des gens dignes de confiance. On ne peut plus se contenter d’affirmer qu’il s’agit là de croyances et de pratiques propres à un milieu culturel particulier et qui ne concernent que lui : ce « relativisme trop facile » ressemblerait fort à une fuite en avant. Puisque « les Africains doivent partir de ce qu’ils sont », il faut donc « réhabiliter les croyances métaphysiques et religieuses africaines qui se sont trop vite effacées devant l’irruption des philosophies et religions étrangères » et face aux phénomènes tenus habituellement pour paranormaux, « saisir et exposer la rationalité du discours que les Africains tiennent à leur endroit.
Le père Hebga était connu comme l’anthropologue, l’ethnologue et le philosophe qui se battait depuis plus de trente ans pour faire admettre l’existence de la sorcellerie ainsi que la rationalité de la pensée africaine sur les phénomènes paranormaux. Une lutte à tout point similaire à celle d’un autre savant africain dans son genre, l’égyptologue Cheikh Anta Diop qui se battait pour faire admettre l’évidence de l’antériorité de la civilisation noire. Le combat de père Hebga prend corps dans l’enseignement de l’anthropologie philosophique et africaine dans plusieurs universités à travers le monde comme :
>l’Université John Carroll à Cleveland (Ohio, USA) en 1972, où il dispense un cours d’anthropologie philosophique.
>l’Universités de Chicago et à Cambridge (Massachusetts, USA) où il dispense des cours en 1975–1976.
>l’Université grégorienne de Rome, en 1977 comme enseignant de l’anthropologie africaine, à la Faculté de philosophie.
>l’Université catholique d’Afrique de l’Ouest (UCAO), à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
>Centre d’enseignement supérieur de Ouagadougou au Burkina Faso, à l’époque Haute-Volta.
>l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC), à Yaoundé, au Cameroun.
>l’Université d’État de Yaoundé, au Cameroun où il est professeur permanent, au département de philosophie.
PUBLICATIONS
Le père Meinrad Pierre Hebga a écrit une centaine d’articles et plusieurs livres. Les plus significatifs sont:
>CHRISTIANISME ET NÉGRITUDE, QUAND DES PRÊTRES NOIRS S’INTERROGENT, Cerf, Paris, 1956, pp.189-203.
>PERSONNALITÉ AFRICAINE ET CATHOLICISME, Paris, Présence africaine, 1963.
>LES ÉTAPES DES REGROUPEMENTS AFRICAINS, Dakar, 1968.
CROYANCE et GUÉRISON (dir.), Yaoundé, Clé, 1973.
>ÉMANCIPATION D’ÉGLISES SOUS TUTELLE : essai sur l’ère post-missionnaire, Paris, Présence africaine, 1976.
>DÉPASSEMENTS, Paris, Présence africaine, 1978.
>SORCELLERIE, CHIMÈRE DANGEREUSE …? Abidjan, INADES, 1979.
>SORCELLERIE ET PRIÈRES DE DÉLIVRANCE : réflexion sur une expérience, Présence africaine/INADES, 1982
>AFRIQUE DE LA RAISON, AFRIQUE DE LA FOI, Karthala en 1995
>LA RATIONALITÉ D’UN DISCOURS AFRICAIN SUR LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX, Paris, L’Harmattan, 1998.
Il décède le 3 mars 2008, entouré de sa famille, au centre hospitalier de Château-Thierry à l’aube de ses 80 ans en laissant derrière lui des œuvres littéraires de qualité et un sentiment de tristesse de l’ensemble du peuple camerounais.
©YULL
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